« Malo n'est pas là ? » qu'elle demande, comme si ça n'avait aucune importance, comme si c'était pas elle qu'elle cherchait depuis le début de la soirée. « Non, elle est à l'hôpital. » A l'hôpital ? « Quoi ? » Sa voix se casse, son cœur s'emballe dans sa poitrine. « Dans quel hôpital ? » Malo à l’hôpital. Malo, sa Malo, ce n'était pas envisageable. Elle entend à peine la réponse qu'elle est déjà dans la rue à siffler un taxi. Les dix minutes qui s'écoulent sont les plus longues de sa vie. Comment elle se retrouve à l’accueil de l'hôpital devant une infirmière acariâtre est flou. Elle n'est pas vraiment sûre que son sang circule normalement. Evy, elle est presque sûre d'avoir laissé son cœur sur le sol de l'appartement. « Malo Fitzmarin. » L'infirmière tapote sur son ordinateur. Evy frôle la folie. Malo va bien. Malo va bien. Tu l'aurais senti s'il lui était arrivé à quelque chose. Tu l'aurais su, Evy. « J'ai pas de Malo Fitzmarin désolé. » Quoi ? Non, ce n'était pas possible. Pas Malo. Ses doigts s'agrippent au comptoir. « Cherchez encore. » qu'elle gronde, sa voix ne laissant pas de choix. « Fitzmarin. F.i.t.z.m.a.r.i.n » Elle détaille chaque lettre, l'infirmière tapote et Evy, Evy, elle est au bord de l’asphyxie. De folles idées s'entrechoquent dans son esprit. Elle imagine le pire. Un monde sans Malo. Un monde où elle n'est pas pardonnée. Un monde où Malo n'existe pas. Vide de sens. Impensable. « Elle n'est pas là, je vous dit. » Mais Evy n'en à que faire. Ce n'est pas possible. Pas imaginable. « Vous vous trompez. » Elle secoue la tête. Malo n'est pas morte. Malo est en vie. Tout ça n'est qu'une erreur. Elle sort son portable de sa poche, tapote le numéro qu'elle connaît sur le bout des doigts. Elle s'attend à entendre la voix mélodieuse de son amie, mais c'est un répondeur automatique qui lui répond. « Vous ne comprenez pas. Elle est là. Dites moi où elle est. » Le son de sa voix devient trop fort, la sécurité se rapproche, mais Evy s'en moque. « Tout de suite. »

Ca s'entrechoque dans sa tête. Les pires scénarios se forment. Malo. Sa Malo entre la vie et la mort. Elle a du mal à respirer. On dit souvent que c'est quand on est sur le point de perdre une personne qu'on se rend compte de son importance. C'était faux. Evy avait toujours su l'importance de Malo dans sa vie. Elle souffrait de son absence, mais elle pouvait vivre avec si elle la savait heureuse quelque part dans le monde. Elle refusait de vivre dans un monde où Malo n'était pas là pour illuminer la vie d'autres personnes. Ses doigts glissent sur son bras, sur le tatouage symbolisant leur amitié. C'était impossible. Malo allait bien. Elle allait bien. Inspiration. Expiration. Evy a l'air d'une cinglée, mais elle s'en moquait. Les apparences ne comptaient plus si Malo était blessée. « Evy... Tu... » Malo. Elle se retourne brutalement. Elle est là, en chair et en os. « Quelque chose ne va pas ? Il est arrivé quelque chose à quelqu'un ? » Elle n'attend pas la fin de sa phrase avant d'étouffer Malo entre ses bras, s'assurant bien qu'elle est saine et sauve. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine. Evy, elle n'avait pas vraiment de famille. Elle n'a que Malo. N'avait que Malo pour être exacte. « Je suis désolée, je croyais... » Elle s'éloigne quelque peu, la lâchant de son emprise. « Tu vas bien n'est ce pas ? » Dis moi oui et je m'en irais. Je cesserais de t'importuner, mais dis-moi que tu vas bien. « Les autres ont dit que t'étais à l’hôpital et j'ai cru... » Elle préférait ne pas finir sa phrase. Les images de Malo entre la vie et la mort étaient bien trop douloureuses pour qu'elles puissent y faire mention. « Qu'est ce que tu fais là Malo ? Est ce que t'es... malade ? » Les mecs de la sécurité s'approchent d'eux, leur demandant si tout va bien. Evy, elle en rougirait presque de honte. Si ça avait été une autre personne. « Oui merci. Tout va bien. N'est ce pas ? » Dis le Malo s'il te plait. Dis-le que tout va bien pour toi.

Elle panique, Evy. Son monde, elle ne l'imagine pas sans Malo. Elle sait vivre sans elle. Difficilement, mais elle y arrive. Parce qu'elle sait que Malo est heureuse quelque part, qu'il existe encore une chance que leurs chemins se croisent et que sa meilleure amie reprenne sa place. Si Malo n'existe plus, Evy ne s'en remettrait pas. C'était la seule certitude qu'elle avait dans sa vie. « Oui, tout va bien. » Son cœur se remet à battre de manière normale. Sa respiration reprend. Elle va bien. « Je ne suis pas malade, ne t'inquiète pas. Je vais bien... » Sa phrase est en suspens, il y a quelque chose qui ne va pas. Malo, elle oublie qu'Evy la connaît sur le bout des doigts, qu'elle connaît chacune de ses mimiques. Personne ne connaît mieux Evy que Malo.  Et Evy aime à penser que la réciproque est vrai. Elle l'a été un jour. Personne ne connaissait mieux Malo qu'Evy. Emploi du terme passé étant le plus important. « Ca fait tellement longtemps... » Son cœur se serre. Trop longtemps, elle a envie de dire, mais elle ne s'en donne pas le droit. Elle se contente de baisser la tête et de regarder le bout de ses chaussures. Tout est de sa faute. C'est elle qui avait changé, elle qui avait pensé que le monde lui appartenait, qu'elle était son axe. Elle finit par relever la tête vers elle, les yeux embués. Elle est soulagée, attristée et légèrement anxieuse. Ses doigts passent sur l'intérieur de son bras dans un geste nerveux. Ils redessinent les traits de son tatouage et lui insuffle un minimum de courage. « Qu'est ce qui va pas, Malo ? » Elle peut lui dire qu'elle n'a aucun droit de savoir, qu'elle ne mérite même pas d'être dans la même pièce. Mais lui mentir, elle n'en a pas le droit. Evy le saurait tout de suite, comme elle sait qu'il y a un truc qui cloche chez sa meilleure amie. « Tu peux m'en parler. » Toujours. Même si je mérite le titre de la plus mauvaise des amies. Parle-moi, laisse-moi être la Evy que tu connais à nouveau.