une parole, un souffle, et puis plus rien.
Elle n'avait remarqué que lui, lui, ce gars, brun, déconnecté, un dieu, il faisait de la musique, elle peignait. C'était ça qui les unissait, l'art. Un regard simplement, elle avait su. Le coup de foudre ? Peut-être, peu importe. Elle était amoureuse. C'était ça l'amour alors ? L'amour, n'importe quoi, tu ne le connais même pas. Et pourtant, pourtant, elle l'écoutait jouer, elle était envoûtée, ne le quittant plus des yeux. C'était à son tour ? Merde, elle ne savait même plus ce qu'elle devait faire. Ne pars pas bel inconnu, s'il te plait. Elle connaissait les mouvements par coeur, c'était elle qui avait conçu le spectacle. Facile, elle ne voyait pas le public qui se trouvait dans son dos, admirant son oeuvre plutôt qu'elle-même et lui, lui regardait-il seulement ? Deux ans d'amour c'est long pour deux jeunes de cet âge et malgré tout, deux ans, c'était ce que représentait Gabriel pour elle. Deux ans de sa vie où elle aurait été capable de tout pour lui. Son coeur battait au rythme de son prénom, encore et toujours, elle l'aimait de partout, jusque dans les profondeurs de son corps. Gabriel était gentil, il était doux, il était parfait, ils étaient un couple parfait, facile, sans nuage, un couple modèle. Elle aimait le regard qu'il posait sur elle, il aimait cette façon dont il l'embrassait, elle aimait le contact de sa peau sur la sienne, elle aimait tout de lui à tel point qu'elle était convaincue jusqu'à la moelle, que ce garçon, ce Gabriel, était l'homme de sa vie. Mais un jour, un jour... Pouf plus rien. La magie s'était envolée, comme ça, sans crier gare. C'est étrange comme sentiment, l'impression de laisser derrière soit un pan de sa vie sans réellement s'en rendre compte. « Toujours. » Une promesse d'éternité, malgré tout. Ils n'étaient plus un tout mais deux personnes distinctes pourtant... Cette affection qu'elle lui portait ne pouvait disparaître, elle ne voulait pas qu'elle disparaisse, c'était un amour différent, un amour fort, sans doute plus fort puisqu'elle se sentait incapable de lui tourner le dos. Elle n'avait aucune espèce d'envie de le voir sortir de sa vie. Toujours, elle le pensait. L'art devint le centre de sa vie, fatiguée des sentiments, elle signa sans même réfléchir ce contrat à San Francisco avec une galerie d'art on ne peut plus renommée. Elle avait l'impression de le suivre, inconsciemment. Pourtant... C'était pas ça, c'était pas ce qu'elle faisait. Ce contrat était important pour sa carrière, et Gabriel était important dans sa vie. Son départ devint une nécessité. Quitter New-York ? Ça n'avait rien de facile. Elle avait toujours été très accrochée à sa mère et partir, à quelques fuseaux horaires de distances... Un déchirement. Un déchirement nécessaire pour avancer.  

« ALLIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIE. » Il pouvait crier, elle n'entendait absolument rien, son casque visé sur ses oreilles, concentrée jusque dans les orteils, fixant sa toile depuis de longues minutes. « ALLIE PUTAIN ! » Toujours rien, elle cherchait, elle cherchait. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire de ça ? Elle avait eu des idées tout au long de la journée mais c'était pas encore assez. Le petit loft était dans un état pitoyable, elle avait sorti tout ce qu'elle avait en stock dans l'espoir qu'il se passerait quelque chose de brillant dans sa tête mais... Rien. Elle sentit alors son casque disparaître du dessus de son crâne, sursautant au passage, effrayée, totalement prise de dépourvu. Elle se retournait, un regard noir sur le visage, prête à tuer celui qui venait de la déranger. « Tu fais chier Sean putain ! QUOI ! » Son frère, ce crétin, elle regrettait parfois de l'avoir emporté avec elle ici, à San Francisco, enfin non, elle ne regrettait jamais, parce qu'elle l'aimait plus que tout, moins que Gabriel c'est vrai mais presque autant. « Non mais t'as vu le bordel que t'as foutu là ? » Allie regarda autour d'elle, ouais, ça va, c'était pas pire que ses soirées avec ses nouveaux potes. Elle leva les yeux au ciel et fit tomber son iPod sur le canapé. « Putain t'es relou en ce moment mon pote, trouves-toi une meuf, je sais pas moi, laisses-moi tranquille juste ! » Elle avait besoin de tranquillité, elle avait des œuvres à rendre rapidement, c'était la première fois qu'elle travaillait avec une échéance et ça la rendait incroyablement ronchon. Sean s'en rendit compte, il alla attraper deux bières fraîches dans le frigo et les ouvrit avant d'en tendre une à Allie. C'est vrai qu'elle avait foutu un bordel monstre, la nuit ne serait sans doute pas assez pour en ranger la totalité. Tant pis, elle se jeta dans un fauteuil pour siroter sa bière, elle rangerait demain. Le courage l'abandonnait peu à peu. « T'as l'air morte, littéralement, genre, on dirait un cadavre. » Son majeur droit se leva doucement alors que Sean se tordait de rire à l'autre bout de la table dans le canapé. Salopiaud, il avait de la chance d'être son frère, elle l'aurait probablement laisser à la rue sinon.