La nouvelle année était enfin arrivée. Les fêtes étaient terminées et pour la première fois de sa vie, Willow se sentait soulagée de savoir cette période loin d'elle. Noël sans sa grand mère avait un arrière goût amer. Heureusement, Remi avait été présent, lui imposant un sourire constant sur les lèvres. Mais qui disait nouvelle année disait résolutions. Sa liste dans la poche de son sac à main brûlait son échine, lui rappelant que de nombreuses semaines étaient passées et qu'elle n'avait rien rayé. Absolument rien. La liste, elle se moquait presque d'elle. Regarde toi, assise en tailleur dans ton lit, emmitouflée dans un vieux pull, à laisser ta vie te filer entre les doigts. Willow, le monde ne t'attend pas. Il continue de tourner. C'est pas parce que tu restes figée que le reste du monde va cesser d'avancer. Une sonnerie la tire de ses pensées. Elle cherche son portable dans son petit studio, finit par le trouver sous le canapé.

Citation :

FROM AJ
J'ai besoin de ton aide. C'est urgent. Rejoins-moi au 32 Union Square

La panique la gagne. C'est instinctif. Au fond, elle le connaît pas réellement ce mec qui inventait des souvenirs à sa grand-mère. Elle ne connaît qu'à travers ses artifices et le sourire de cette dernière. Mais AJ, il lui donne l'impression d'exister. Willow, elle a l'impression qu'il la voit. Malgré sa timidité maladive, malgré les murs dont elle s'entoure. C'est idiot, elle le sait. Pourtant, son cœur s'affole à son message et sans réellement s'en rendre compte, elle est déjà dans la rue à courir pour la vie d'un homme, à qui elle accorde déjà trop d'importance pour le peu de choses qu'elle connait à son sujet. Il lui faut pas plus de dix minutes pour arriver à l'endroit indiqué dans le message. Ses joues sont rougies par le froid, ses poumons manquent d'air. Elle le cherche du regard, mais finit par entendre son rire. Elle se tourne et le voit accoudé au bar, riant aux éclats avec une jeune femme aussi belle que les annonces publicitaires pour parfum. Et Willow, elle sait pas si c'est du soulagement qu'elle ressent de le voir aussi vivant, si c'est de l'agacement de s'être fait embobinée, ou si c'est même un excès de jalousie mal placé, mais son cœur s'agite dans sa poitrine d'une façon qu'il lui est encore inconnu. Elle s'approche d'un pas décidé, se surprenant elle-même par cette impertinence dont elle fait preuve quand elle se met entre lui et le mannequin. « T'as l'air en bonne santé et heureux pour un mourant. » Pour la première fois, elle ne lui adresse aucun sourire. Elle aurait même plutôt envie de le gifler pour son manque de manières. Et vraiment, ça n'a rien à voir avec le sourire qu'il adressait à madame parfaite et qu'il ne lui a jamais adressé à elle, la pauvre Willow, la pauvre petite fille avec la grand-mère aux souvenirs défaillants. «Un jour, tu seras vraiment mal et il y aura personne. » Mais AJ est insouciant, cette pensée n'angoisse que toi, Willow. Alors tourne-lui le dos avant de perdre la face.