Chapitre 1
L’heure du départ a sonné.
L’heure du départ a sonné.
Face à toute cette famille dans laquelle j’ai grandit, je me sens tout à coup nerveux. Les mains moites, je les frotte sur mon pantalon kaki. Mon coeur bat à tout rompre et une boule commence à prendre place dans ma gorge. Je n’aurai jamais pensé que ce soit si difficile. J’ai à peine 21 ans et j’ai décidé de quitter mes proches pour m’engager dans l’armée. Mes deux soeurs sont encore jeunes, j’aurai eu tellement de choses à vivre encore avec elles. Je ne sais pas quand je reviendrai, si je reviendrai, tout ça est très flou, mais c’est un choix que j’ai fait, et je m’y tiendrai. Aléna adopte son regard noir, elle m’en veut déjà, je le sais, elle a essayé de me convaincre de rester, plusieurs fois, mais je sens que c’est ma destinée. Je m’approche d’elle et l’attire vers moi pour la prendre dans mes bras. Je sens déjà que ses larmes inondent mon t-shirt, et l’espace d’une seconde, j’ai envie de renoncer à tout ça pour rester avec elle, elle est si jeune. Je passe une main dans ses fin cheveux blonds et dépose un baiser sur le haut de son crâne, sans un mot. Une fois fait, elle s’échappe à une vitesse folle, sûrement pour aller pleurer dans sa chambre. Ma mère baisse le regard, tandis que Jayce, elle, ne me lâche pas des yeux. Je la prends à son tour dans mes bras, la serrant fort, plus fort qu’Aléna. «Tu prendras soin d’eux en mon absence hein ? Je compte sur toi. Tu es plus forte que ce que tu penses.» Je sais qu’elle se retient au maximum pour ne pas lâcher tout ce qu’elle retient depuis des semaines, depuis l’annonce de mon départ. «Allez... va la consoler. Tout ira bien. Je t’aime.» Je l’embrasse à son tour et met fin à notre étreinte, glissant ma main le long de son bras pour attraper sa main, savourant notre dernier contact avant un long moment. J’ai le coeur lourd, j’ai peur que mes deux princesses m’en veuillent toute leur vie, elles sont toute ma vie. J’embrasse finalement mes parents, ma mère a visiblement du mal à me laisser partir, ce qui est compréhensible. Et mon père lâche avant que je m’éloigne «Je suis fier de toi, mon fils.». Je retiens mes larmes, je reste fort, mais j’ai vraiment du mal. Je finis par me retourner, mettre mon sac sur mon épaule, et quitter la maison en direction de l’aéroport qui me mènera à New York, sur la base militaire qui n’attend plus que moi.
Chapitre 2
Quand la perte d’un être cher entraîne la perde d’un autre être cher.
Quand la perte d’un être cher entraîne la perde d’un autre être cher.
Mon téléphone sonne, je vois s’afficher le nom de ma mère, et je souris, décrochant avec une voix enjouée. «Hey salut p’tite maman !». Aucune réponse, je décolle mon téléphone de mon oreille et vérifie que tout fonctionne bien. «Maman ?». Je l’entends suffoquer. «Qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ? Maman qu’est-ce qu’il y a ?». «C’est... c’est ton père...il, il est à l’hôpital.» «Oh mon dieu. J’arrive, j’arrive ok ? Je prends un avion et j’arrive !». Je raccroche à une vitesse folle et enfourne quelques affaires dans un sac à dos, passant des coups de fils à mes supérieurs pour demander un hélico ou un jet privé pour San Francisco, leur expliquant que mon père est mourrant. Heureusement, j’arrive à m’en tirer. Mais lorsque j’arrive à l’hôpital, je retrouve ma mère assise sur un fauteuil, en pleurs. «Maman ! Comment va-t-il, il va s’en sortir hein ?». Je croise le regard d’un médecin, et sa tête me fait comprendre que c’est fini. C’est fini, mon père est mort sans que je n’ai pu lui dire combien je l’aimais. A cet instant, je pense à Aléna, et à Jayce, qui doit être encore à l’université. Je reste planté là, au milieu du couloir. Laissant ma mère en plan, je cours vers la chambre qui accueillait mon père, et je le vois là, allongé, paisible, sans vie. Une larme perle sur ma joue. «T’aurais pu m’attendre putain.» Je m’en veux, je m’en veux terriblement. Maintenant, je suis le seul homme de la famille. Je ne sais même pas comment je vais pouvoir gérer tout ça. Je retourne finalement vers ma mère pour la prendre dans mes bras. Son téléphone à son oreille, elle n’arrive pas à articuler deux mots. Je comprend qu’elle est en train d’appeler Jayce, je récupère alors le téléphone «Jayce, c’est papa... il lui est arrivé quelque chose de terrible.» Je n’ai pas besoin d’en dire plus, je n’entends plus ma soeur, je l’imagine déjà en train de s’effondrer sur le sol. Mon coeur me brûle dans ma poitrine.
Maman ne sort plus de son lit, je me suis occupé de tout pour l’enterrement. Jayce est rentrée et passe son temps avec Aléna, pendant que je m’enferme dans mon mutisme. Ça y est, nous y sommes, tous vêtus de noir, assis dans une église, devant un homme qui prône les bons côtés de mon père. Mais merde, il ne l’a même pas connu, comment peut)il dire toutes ces choses, c’est absurde. Quelqu’un vient s’asseoir près de moi, je tourne la tête, c’est Reagan, ma meilleure amie. J’ai bien cru qu’elle ne viendrait jamais. Elle plonge sa main dans la mienne, entremêlant ses doigts avec les miens. Maintenant qu’elle est là, tout va mieux. Reagan et moi nous connaissons depuis le bac à sable, elle est la seule à qui je peux parler sans avoir peur d’être jugé, elle est la seule qui connaît tout de moi, presque même d’avantage que mes soeurs.
Après l’enterrement, elle décide de m’emmener boire un verre, pour parler de tout ça. Un verre en entraînant un autre, j’oublie tout. J’oublie même que Reagan est ma meilleure amie, et que jusqu’à aujourd’hui il n’y avait jamais eu aucun sous-entendu entre nous. mais ce soir, plus perdu que jamais, je finis par plaque mes lèvres contre les siennes. Elle se laisse faire, et nous finissons par faire l’amour, chez elle, toute la nuit. Au petit matin, une migraine affreuse mais un taux d’alcoolémie plus bas que la veille, je me rends compte que tout ça n’était pas une bonne idée. On est d’accord, il vaut mieux oublier cette nuit, faire comme si elle n’avait jamais existé. Mais c’est sans compter que 3 semaines plus tard, elle vient frapper à la porte de la maison pour me dire «Yan, je suis enceinte.» Alors là c’est le pompon ! Je me retourne pour vérifier que personne n’est dans le salon, et je sors sur le perron de la maison, fermant la porte derrière moi. «Quoi ? Mais tu... enfin y’a quelqu’un dans ta vie ou ..?». Le sous entendu est explicite. Je lui demande si c’est bien moi le père. Elle en est certaine, elle n’a pas eu d’amant depuis plusieurs mois. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ma meilleure amie ? Je ne sais même pas quoi lui répondre. Elle ne va quand même pas le garder ? Mon téléphone sonne dans ma poche. «Excuse moi, c’est le boulot je dois répondre.» Au téléphone, mon chef m’annonce que je dois absolument revenir, une nouvelle mission en vue, et ils ont besoin de moi. Je suis resté un mois avec ma famille, et maintenant je dois repartir. Une fois raccroché, je regarde Reagan. «Je dois repartir.». Je n’ai trouvé que ça a dire. Quel con. Elle fait volte face à une vitesse hallucinante, et le pire dans tout ça, c’est que je n’ai même pas la force ni la jugeote de la rattraper.
Chapitre 3
Début d’une nouvelle vie.
Début d’une nouvelle vie.
Fin d’une mission plus que difficile. Voir mourir des gens est loin d’être le métier le plus facile qui soit. A l’aéroport, en rentrant de mission, encore habillé de ma tenue camouflage, mon gros sac sur le dos, et mes pensées aux 4 coins du monde, je percute une jeune femme. «Je suis désolé.» Lorsque je plonge mon regard dans le sien, je comprends qu’elle ne sera pas juste une rencontre hasardeuse. Il ne nous faudra que quelques jours avant de nous revoir, puis de flirter, et finalement nous mettre ensemble. Robin est une femme merveilleuse, elle a ce sourire qui guérit toutes les peines. Je peux lui parler de tout, mais la seule chose que je n’arrive pas à lui dire, c’est que je suis un salaud, et que j’ai laissé ma meilleur amie en plan, enceinte de moi. Je ne sais même pas ce qu’est devenue cette histoire, est-ce qu’elle a gardé le bébé ? Je n’ose même pas y penser. Les mois passent, les années même, et mon amour grandit pour Robin. Je ne saurai pas dire si elle est la femme de ma vie, mais ce qui est sûr c’est que je me sens bien avec elle, si bien qu’un jour, je me jette à l’eau, avant de partir en mission pour 3 mois, et la demande en mariage. Je ne pensais pas qu’elle accepterait. Ça veut dire que quelqu’un est capable de m’aimer sincèrement ? Elle me promet de s’occuper de tous les préparatifs, et que quand je rentrerai, on pourrait se dire oui devant l’autel.
Chapitre 4
Lâche un jour, lâche toujours.
Lâche un jour, lâche toujours.
Cette mission a été la plus difficile de toute ma vie. Je l’ai compris avant même de la vivre, quand mon chef nous a dit «Quand on rentrera, si on rentre, vous aurez le droit de demander votre retraite militaire.» J’ai 29 ans, voilà 8 ans que j’ai tout quitté pour m’engager dans l’armée, que j’ai raté tous les moments importants de ma famille, je dois me marier en rentrant, et on m’annonce que je vais peut être mourir. J’envoie directement un sms à mes soeurs, leur disant juste Je t’aime .
3 mois plus tard, je pose mon sac à l’aéroport de New York. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Mon meilleur ami a été tué devant mes yeux, sans que je n’ai pu faire quoi que ce soit. Je suis rentré, je suis en vie, et lui ne rentrera jamais, laissant sa femme et sa petite fille de 6 mois, seules et désemparées.
Lorsque j’arrive chez nous, Robin me court dans les bras et me serre contre elle. «Je suis tellement heureuse de te voir. Tu m’as manqué. Ça va ? Ça a pas été trop dur ?». J’essaie de me contenir, j’ai envie de hurler. «Si.». Elle remarque ma tête. Elle me connaît, ça fait plusieurs années qu’on vit ensemble après tout. «Lehyan qu’est-ce qu’il y a ?» «C’est Maël. Il est mort.». Je dis ça, les yeux dans le vide, d’une voix plate comme si je venais de dire ‘Il faut que j’aille faire cuire les pâtes’. Les jours passant, j’essaie d’être fort, heureusement, le mariage n’est prévu qu’après l’enterrement de Maël. Tous les jours, Robin me demande comment je vais, et je réponds «Ça va.» Plusieurs fois elle m’a demandé si je voulais décaler la date du mariage. Je lui ai toujours répondu non. Et le jour J, je n’ai rien trouvé de mieux que ne pas me présenter à la cérémonie. Je n’ai pas assisté à mon propre mariage, et j’ai planté ma fiancée devant l’autel, lui laissant juste un mot sur la table de la cuisine disant «Je suis désolé, je suis un moins que rien.» Et c’est ce que je pense de moi, je suis un con, un moins que rien, un bon à rien, un connard. J’ai foiré ma vie, je suis incapable d’être heureux.
Chapitre 5
Retour à l’essentiel.
Retour à l’essentiel.
Quand tout foire, il faut revenir à l’essentiel. L’essentiel pour moi, c’est ma famille, ma mère, et mes deux soeurs. Elles sont mes piliers, ma force, elles sont tout ce qu’il me reste. Sans elles je ne suis plus rien et elles sont les seules à pouvoir encore arriver à m’accepter tel que je suis, même si je suis un petit con. J’ai attendu de passer la barre des 30 ans pour me rendre compte que ma vie n’est qu’un champs de ruine. Mais il n’est pas trop tard pour tout recommencer, non ?