Et je laisse déborder les fontaines
Pour ne plus voir que je l'aime
Et on pleure, on rit, on saigne
Sur nos amours, nos amours anciennes
Je n'arrivais pas à dormir, je n'arrivais plus à dormir. J'étais complètement adsorbé par ses nombreuses pensées que ma raison m'infligeait. Mon coeur endormi n'arrivait pas à s'exprimer. Et pourtant, et pourtant je faisais tout pour qu'il vienne me transmettre son avis et ses sentiments. Je lâchais un long, un profond soupire qui révélait à quel point j'étais fatigué de cette étrange situation. Je comprenais que pour une fois, je vais être ma raison et mon coeur devaient être en parfaite harmonie. J'en avalais avec difficulté ma salive. Mon regard se perdait dans la contemplation de son corps à moitié nue auprès du mien. Mes doigts glissaient le long de son dos découvert, n'épargnant par la moindre parcelle. Depuis cinq mois, nous n'avions pas fais l'amour. Nous baisions. Comme des sauvages, comme des chiens, comme des êtres vides d'amours et sentiments. Juste par besoin, juste par nécessité. Le constater ne m'apportait d'agréables sensations. J'avais énormément aimé cette jeune femme, je lui avais offert mon âme entière. Je me pinçais la lèvre, je n'arrivais pas à comprendre comment nous avions pu en arriver là. Pendant cette longue année passée à ses côtés, j'avais continuellement posséder la soif d'elle, de son corps, de sa voix, de ses lèvres. Mais tout, tout s'était du jour au lendemain évaporé. Noyant cet amour que je portais à son égard dans le flot de mes souvenirs. "Moi non plus, je n'y arrive pas" me murmura-t-elle, surprenant mes pensées. J'esquissais un faible sourire en croisant son regard. Ses doigts, longs et délicats allèrent se déposer sur mon torse. "Quand j'ai entendu ta respiration s'accélérer, j'ai compris que tu ne dormais plus." Même à moitié endormie, sa voix respire la fraîcheur et la générosité. Elle était comme ça, Louise, entière et passionnée. L'ensemble de ses pas resplendissaient, elle dégageait un charisme inégalable. J'étais tombé amoureux d'elle pour ces nombreuses qualités, mais également à cause de sa susceptibilité, de ses lèvres qu'elle pinçait en cas de mécontentement, de sa franchise déplacée et de sa maladresse. J'avais aimé sa personne et je l'aimais toujours, mais différemment. "Je crois que nous" Son pouce se déposa aussitôt sur mes lèvres. "Je sais ce que tu vas me dire Gabriel" m'avoua-t-elle, un brin décomposé, je sentais mon ventre se tordra et mon coeur s'affoler. "Je serais toujours présente pour toi, toujours." Son corps se retourna, elle collait son dos à mon torse. Doucement, elle m'obligeait encercler sa taille avec l'un de mes bras. Ses doigts se nouèrent au moins. Tandis que son chagrin s'exprimait par le biais de ses sanglots et de ses tremblements. Gêné, triste et un brin soulagé, je déposais mes lèvres contre son épaule et laissais, moi aussi, quelques larmes dévorer mon visage assombri par la tristesse de cet instant. "Toujours." Nous n'étions plus, c'était désormais elle et moi, séparés. Cassés. Brisés. Mais à jamais liés l'un à l'autre. Parce que notre amour s'était peut-être envolé, mais la force de nos sentiments l'un envers l'autre ne pouvait pas nous quitter. Nous nous respections, nous nous aimions, différemment.
How long have I been in this storm?
So overwhelmed by the ocean's shapeless form
Water's getting harder to tread
With these waves crashing over my head
En un aller retour à San Francisco, mon quotidien venait de changer. Moi qui enchaînait les boulots instables et les contrats éphémères, on venait de me proposer un poste fixe me permettant de vivre quotidiennement des expériences différentes tout en restant sûr de ne pas être sans rien le lendemain. Rassurant. Pressé d'annoncer cette parfaite nouvelle à mes proches, je frappais à la porte de cet appartement dans lequel vivait mon père et sa femme. Aussitôt, Mary m'ouvra. "Gabriel ! Aurais-tu avalé une montre ?" rigola-t-elle tout me serrant chaleureusement dans ses bras afin de me souhaiter la bienvenue. J'aimais cette femme, j'aimais cette femme qui vivait aux côtés de mon père et qui le rendait heureux. Elle était douce, simple, attentionnée et attentive à nos moindres besoins. Comment avait-il réussi à dénicher une aussi belle perle ? Je ne pouvais pas m'empêcher de me questionner sur ma mère en la voyant, était-elle aussi rayonnante, était-elle aussi charmante et agréable ? Je l'espérais. Je ne pouvais pas envisager mon paternel dans bras salés par la médiocrité et la méchanceté. Puis tout s'emballa, s'électrifia et se transforma. Les minutes passèrent, la déclaration que je pensais plus que géniale se révéla dérangeante et catastrophique. J'avais beau essayer de comprendre, je n'arrivais pas à décrypter cette étrange réaction de mon père qui ne souhaitait soudainement plus me voir quitter New-York. "Pourquoi tu te braques, c'est quoi le problème avec ce contrat ?" lui demandais-je, agacé par ses cris et ses lamentations. "Ne l'acceptes pas, c'est tout. Tu es très bien ici ! A New-York. Pourquoi as-tu voulu partir ?" Pardon ? Je ricanais, un brin nerveux et agacé. Je ne comprenais vraiment pas sa réaction. Le regard rassurant de Mary m'expliqua que ce n'était pas la peine que j'insiste, mon père ne changerait pas d'opinion et ne me laisserait pas exprimer mon avis sur cette situation que j'avais déclenché. "Mais pourquoi, qu'est-ce qui te gênes ? Ce contrat, la ville, que je parte ?" Tant d'hypothèse se bouleversaient et s'enchaînaient. "San Francisco !" hurla-t-il. "Enfin, non. Tout me gêne ! Tout." Son poing explosa contre la table, nous emprisonnant tous dans un frisson incontrôlable. Je fronçais mes sourcils et me levais afin de quitter cette pièce qui commençait à m'étouffer. Jamais je ne l'avais vu réussi. Il avait pour habitude de dire amen à l'ensemble de mes décisions, il avait pour habitude de m'encourager à poursuivre mes rêves et ne jamais abandonner. "San Francisco et ? J'y suis né je te rappelle. Alors si cette ville te pose un problème, je pense que tu pourrais peut-être m'expliquer pourquoi ! Ma mère vient de là-bas, elle y vit ? Tu as peur que je la croise et qu'elle m'explique enfin tout ce qui a décidé de me cacher depuis ma naissance ?" "Gabriel ! Gabriel, non. Non ce n'est pas ça. Je ... Non." Sa voix désormais tremblante me dévoilait l'exactitude de son problème, c'était uniquement la ville et les secrets qu'elle contenait. "Quand vas-tu te décider à m'expliquer papa ?" Cette fois-ci, moi aussi je haussais le ton, malgré que ça me donne le tournis. J'étais peu habitué aux disputes et aux engueulades futiles. Jamais, jamais je ne me prenais la tête pour des conneries. J'étais de nature simple, distant et je fuyais les ennuis. Son silence ne fit qu'alimenter ma colère. Fatigué et peu à mon aise dans ce genre de situation, je décidais de quitter cette pièce, quittais cet endroit qui me rappelait à quel point ma naissance était basée sur une ribambelle de mensonge et de mystère. "Gabriel, reviens !" "Laisses-le, Marcus" souffla avec délicatesse Mary tandis que je refermais la porte avec une violence que je ne me connaissais pas. Il n'avait fait qu'alimenter mon excitation à l'idée de découvrir cette nouvelle vie qui m'attendait au sein de cette ville dont j'ignorais tout, mais qui semblait pourtant en connaître sur moi que j'en savais.