Ses paroles raisonnent encore dans mes oreilles. «Quand tu sauras, téléphones-moi, je serai là.» Un frisson parcourt la totalité de mon dos. Elle vient de bouger. Je passe ma main sur mon ventre et elle donne un nouveau coup. Un sourire vient prendre place sur mon visage. Chaque fois que je pense à Shane, elle se manifeste. Comme si elle me poussait à quelque chose. A le retrouver. Cela fait un peu plus de dix jours que je n’ai pas donné de nouvelles à Shane, depuis que j’ai viré Aeden de ma vie. La procédure de divorce est engagée, mon avocat réussira à avoir de lui tout ce dont j’ai besoin. Après tout, je m’en fous royalement. Je veux juste que tout ça se termine. Je dois accoucher dans à peine moins de deux mois. Ma dernière échographie est la semaine prochaine. Combien de fois j’ai rêvé que Shane soit là, à une de mes échographies. Qu’il voit notre fille. Qu’il se sente impliqué. Qu’il se sente père, une fois pour toutes. Je ne vois pas ma vie sans lui. C’est désormais clair dans ma tête. Alors je ne vois pas pourquoi j’attendrai plus longtemps avant d’aller le voir pour lui dire. Je ne peux pas l’appeler, je ne saurai pas quoi lui dire exactement. Je préfère encore l’avoir en face de moi. Finalement décidée, je me lève pour aller m’habiller. J’essaie de me faire la plus jolie possible, même si ça s’avère un peu compliqué vu cet énorme ventre qui prend beaucoup de place. J’ai de la chance, je n’ai pris que du ventre. Si on me voyait de dos, on n’imaginerait même pas que je suis enceinte. Une fois prête, je sors de chez moi et me dirige vers chez Shane. Il n’habite pas très loin, et l’air frais me fait du bien. Je sors de moins en moins, préférant bosser de chez moi. Heureusement qu’Hannah est réactive. Me voilà devant chez Shane. Je me racle un peu la gorge et sonne à l’interphone. Personne. Je sonne une nouvelle fois, toujours personne. Je me décide alors à me diriger vers chez sa grand mère. Elle doit certainement me détester à l’heure qu’il est. La dernière fois, Shane m’a fait passer pour la pire des connes, et je n’ai pas été tendre avec lui non plus. Sa grand mère doit certainement être de son côté. C’est donc le coeur battant que je frappe à la porte de la vieille dame. Lorsqu’elle ouvre, je lui offre un sourire timide. «Bonjour je... je suis venue..» Elle me coupe assez rapidement. «Shane est parti faire une course, il ne devrait pas tarder. Je vous en prie, entrez...» Elle se décale pour me laisser entrer. J’hésite mais elle semble insister. Alors j’entre. «Je voudrais m’excuser pour la dernière fois je...» elle me coupe une fois encore. «Ne vous excusez pas. Vous avez deux caractères forts tous les deux. Je suppose que parfois dans des situations difficiles, douloureuses, on dit des choses qu’on ne pense pas. Je ne connais pas votre histoire à tous les deux, mais une chose est sûre, Shane vous aime.» Les larmes me montent aux yeux et je m’approche d’elle pour prendre ses mains, doucement. «J’aime aussi votre petit-fils. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne. Et je regrette tout ce que j’ai pu dire ce jour là. C’est tellement... tellement...» «Chut...» Elle tend sa main pour essuyer une larmes qui vient de perler sur ma joue. «Je suis sûre que tout va s’arranger. Asseyez vous, je vais vous faire un bon chocolat chaud.» Je ne me fais pas prier. Je crois que j’ai bien besoin de réconfort. J’aime cette femme. Je l’aime parce qu’elle est la bonté même, et parce qu’elle a élevé l’homme que j’aime. Elle y est pour quelque chose s’il est aussi bon. Elle finit par s’installer en face de moi, et nous discutons, jusqu’à ce que Shane entre dans la maison. Lorsque son regard se pose sur moi, je sens sa surprise. Il y a de quoi. La vielle dame se lève et va récupérer ce que Shane, silencieux, tient dans ses mains. «Tu n’as rien compris à ce que je voulais. Je m’en doutais bien. Bon, puisque c’est ça, je vais aller le chercher moi-même !». Je souris un peu. Je ne sais pas si elle dit vrai, mais son intention est simplement de nous laisser tous les deux. Elle est parfaite. Je l’adopte.

Patate douce. Je ne sais même pas à quoi ressemble une patate douce. C'est affligeant. Pas étonnant que Maxyn ne veuille pas de moi qui être le père de son enfant. Je finis par prendre que chose au pif dans le rayonnage avant de passer à la caisse. J'aime pas faire les choses, pour moi, je me contente de faire une commande et de passer la chercher, je peux choisir tranquillement dans mon canapé et éviter soigneusement les noms que je ne connais même pas. Mais pour grand-mère, je ferais tout, même sortir faire les courses alors que je ne connais pas la moitié de la liste qu'elle m'a donné avant de partir. J'ai l'impression d'être un gosse incapable de vivre seul, c'est vrai que je ne me nourris pas réellement de façon variée mais qui peut me blâmer ? J'aime mes bons vieux macaronis au fromage. Je paye, range les courses dans mes sacs et repars vers la maison de grand-mère, peu convaincu de mes achats. Peu importe, elle ne dira rien de toute façon, elle ne dit jamais rien, trop bonne pour me contrarier. Surtout en ce moment. Maintenant qu'elle sait que Maxyn est enceinte, que je vais être père mais que je ne sais pas ce qu'il en est de mon avenir avec Max. Elle a accepté que je reste le plus souvent chez elle. Je me retrouve, adolescent, peinant à trouver une fille pour moi. Aujourd'hui je l'ai, c'est elle qui ne semble pas me vouloir... Ça fait mal. Je préfère ne pas y penser. J'arrive chez grand-mère, j'entre sans m'annoncer, elle m'attend de toute façon. Je mets quelques secondes à me rendre compte qu'elle est là. Son parfum vient chatouiller mon nez alors que je tourne la tête vers elle. Max. Elle est là, elle et son ventre tout rebondit. J'ai loupé tout ça. Je suis surpris de la voir ici, je ne l'attendais plus à vrai dire. Ou un coin de téléphone plutôt qu'elle en personne. Je laisse grand-mère attraper les commissions. "Tu n’as rien compris à ce que je voulais. Je m’en doutais bien. Bon, puisque c’est ça, je vais aller le chercher moi-même !" Pas étonnant, enfin... Je peux y retourner moi même. Pourtant, je n'ai pas le temps de le lui dire qu'elle est déjà repartie. Tant pis. Je repose mon regard sur elle, je ne comprends pas. Pourquoi maintenant ? Je m'approche. "Tu... Tout va bien ?" Je demande, c'est la seule explication possible, quelque chose ne doit pas tourner rond si elle est là, il y a toujours quelque chose... Je ne respire plus, plus assez bien en tout cas. Mon coeur est en train de sprinter en dehors de ma poitrine. Je glisse mon regard vers le bas, sur son ventre, sur elle. "Elle... Elle va bien ?" Je finis, c'est ce qui compte le plus finalement maintenant. Je préfère ne pas m'emballer, elle n'est pas là pour moi, elle était prête à repartir dans une nouvelle histoire avec son ex-mari... Elle ne veut plus rien de moi. J'en suis malheureux. Je n'ose pas approcher, j'aurais préféré que grand-mère me laisse les courses, histoire de m'occuper les mains. Mais non, je suis là, au centre de la pièce, démunie, ne sachant que faire alors que Maxyn est là, chez ma grand-mère, elle est LA. 

Il est là. Il est enfin là. Je n’arrive pas à détacher mon regard de sa silhouette. Je souris presque en le voyant démuni face à sa grand mère qui lui dit qu’il n’a pas acheté ce qu’il fallait. Et puis elle s’en va, nous laissant seuls tous les deux. Je croise son regard, il m’électrise, comme à chaque fois. C’est dans ces moments là que je sais que j’ai fait le bon choix. Le bon choix de le choisir, de garder son enfant que je porte, de lui avoir avoué qu’il était le père. Je ne bouge pas de là où je suis, juste quelques secondes. «Tu... Tout va bien ?» J’esquisse un petite sourire avant de hocher doucement la tête. J’aime quand il s’inquiète. Enfin, il ne faudrait pas qu’il s’inquiète trop non plus. «Elle... Elle va bien ?» Je pose ma main sur mon ventre en baissant les yeux vers lui une seconde, avant de redresser mon regard vers Shane. Et puis je me lève et m’approche de lui. «Oui. Elle va très bien. Il n’est pas question d’elle.» Je prends une grande inspiration et m’arrête, mon ventre à quelques centimètres de lui, mon visage un peu plus loin, forcément. «Tu m’avais demandé de réfléchir, à ce que je voulais. Au fond, je savais déjà ce que je voulais, mais j’ai quand même pris le temps.» Je passe une main presque tremblante dans mes cheveux. Et si maintenant c’est lui qui ne voulait plus de moi ? «Je voulais t’appeler, mais au final, je me suis dit que c’était mieux de venir te voir, je suis passée chez toi et puis...» je m’arrête soudainement et soupire un peu. Je suis nerveuse, et je suis en train de parler pour ne rien dire. Je repose mes mains sur mon ventre, essayant de me calmer, comme si elle pouvait m’apaiser, rien que par sa présence. J’essaie désespérément de calmer mon coeur sui s’est accéléré lorsque Shane est entré, mais ça semble si difficile. «Je...» je ne sais pas par où commencer. Alors au lieu de chercher comment aborder le sujet, je commence par un autre bout. «Mila. Ça te plait ? J’aimerai bien l’appeler Mila !» Mon sourire s’élargit, même si j’ai les larmes au bord des yeux. Je ne suis pas triste, mais simplement stressée. Il ne lâche pas mon regard, il ne dit rien. J’ai tellement peur que cette histoire finisse mal. Qu’il ait trouvé quelqu’un entre temps. Que j’ai mis trop de temps avant de lui donner ma réponse finale. Peut-être que maintenant, il ne se sent plus d’assumer une vie de famille. Peut-être qu’il se contentera d’assumer simplement son rôle de père, une fois de temps en temps, et qu’il me laissera seule à m’occuper de notre enfant. Je ne peux pas m’y résoudre. Je ne pourrai pas vivre en le voyant voir d’autres femmes, pendant que je verrai grandir notre fille. Je ressasse le passé, tous ces instants merveilleux passés avec lui, alors que je ne voyais rien. Pour moi, il était déjà l’homme le plus beau de la Terre. Et aujourd’hui, c’est encore plus puissant. Il est si beau. Je détaille encore son visage, parce que je ne m’en lasse pas. Et puis je finis par fermer les yeux. Pour essayer de ressentir encore une fois ce que j’avais ressenti, quand il était près de moi, mais que je ne pouvais pas le voir. J’ai envie de le sentir contre moi. Depuis combien de temps je n’ai pas senti sa présence plus près qu’à 50 centimètres ? Mon coeur s’emballe à cette simple pensée. J’ai envie de me blottir dans ses bras, redevenir la femme qu’il a aimée, choyée, câlinée, à qui il faisait l’amour sans penser à rien d’autre que ce qui l’animait. Je veux retrouver ce Shane là. Je veux de nouveau être cette Maxyn là.

Je la regarde s'approcher, pendu à ses lèvres, envieux de savoir si tout allait pour le mieux dans leurs vies à toutes les deux. "Oui. Elle va très bien. Il n’est pas question d’elle." Soulagé, je suis soulagé d'un seul coup, je relâche les épaules et tente même un sourire parce qu'elle a l'air bien, sereine, et c'est tout ce qui compte après tout non ? J'ai hâte de rencontrer ma fille, il n'y en a plus pour longtemps visiblement. Elle est trop près de moi, je sens trop bien son parfum, elle ne se rend pas compte de l'effet qu'elle a sur moi... Je ne m'en remettrais jamais si elle décidait de ne plus jamais envisager notre histoire... "Tu m’avais demandé de réfléchir, à ce que je voulais. Au fond, je savais déjà ce que je voulais, mais j’ai quand même pris le temps." Je m'attends au pire, c'est vrai, parce que j'ai déjà vécu beaucoup avec elle, en peu de temps et la moitié des choses n'avaient aucun sens, j'ai foncé dans des murs sans m'en rendre compte. Je suis sur la défensive maintenant, je ne sais plus à quoi m'attendre avec elle et ça me fait peur parce qu'au fond, je sais exactement ce que je veux entendre et j'ai trop peur qu'elle ne veuille pas la même chose que moi. "Je voulais t’appeler, mais au final, je me suis dit que c’était mieux de venir te voir, je suis passée chez toi et puis..." Et puis tu es arrivée ici d'accord, mais elle tourne autour du pot et ça m'énerve un peu, j'attends toujours de savoir ce qu'elle veut et je préfère ne pas tirer de conclusions moi même de peur de me rétamer une nouvelle fois. "Je..." Tu ? C'est insupportable, elle ne s'en rend pas compte. "Mila. Ça te plait ? J’aimerai bien l’appeler Mila !" Je retiens mon souffle, qu'est-ce que ça veut dire ? Je regarde sa proéminence, ça me donne chaud au coeur, cette fille est la mienne, mon sang, la moitié de moi. Je ne réalise sans doute pas. Elle sera toujours mienne. Je hoche la tête, je ne sais pas trop quoi faire d'autre en vérité, paralysé. Je n'en suis pas à choisir le prénom de notre enfant à vrai dire, je n'y ai jamais pensé... Mais Mila me plait, c'est beau, délicat, exactement comme je me l'imagine elle. J'ai toujours pas compris ce qu'elle voulait mais je lui souris finalement. Je suis heureux qu'elle ait décidé de garder le bébé, je suis content de voir comme elle est heureuse d'ailleurs. Je tends le bras, pose ma main sur sa joue. "J'espère qu'elle te ressembleras." Je souffle, elle est tellement belle, je ne l'imagine pas autrement. J'ai du mal à croire qu'il y a encore quelque temps, elle ne pouvait même pas voir mon visage, elle ne pouvait que m'imaginer, comme je le fais aujourd'hui avec ma fille que je n'ai jamais rencontré. "Tu veux t'asseoir ?" Je demande. Je ne veux pas qu'elle se fatigue, je ne veux pas que quelque chose lui arrive. Et je n'ose pas vraiment mettre au clair ce que je ne comprends pas. Je regarde par dessus son épaule, remarque les tasses déjà présentes sur la table. "J'espère que ma grand-mère ne t'as pas trop dérangé." Je dis, persuadé qu'en voulant mon bien, grand-mère n'avait pu que parler de moi pendant tout le temps qu'elles étaient restées toutes les deux. "Elle t'aime bien tu sais." Malgré tout ce que j'ai pu dire en sa présence pour gâcher l'image qu'elle revoyait, grand-mère n'avait vu que le bon, elle ne voyait que le bon chez tout le monde.  

Je m’éloigne du sujet de ma visite. Je le sais, il le sait. Pourtant j’ai du mal à mettre des mots sur ce que je ressens. Il faut que je me fasse violence. Mais j’ai tellement peur. Après tout ce qu’on a vécu, j’ai peur que la situation se retourne une nouvelle fois, qu’il ait changé d’avis ou je ne sais pas trop quoi. Alors je parle du prénom de notre fille. S’il y a bien une chose qui ne changera pas, c’est qu’elle sera toujours notre fille. Alors autant qu’il soit d’accord sur son prénom. Il regarde mon ventre et hoche la tête doucement, alors je souris. Je souris parce que je viens tout juste de prendre conscience que quoi qu’il arrive, on sera toujours liés par cette vie que nous avons créée, ensemble. Il vient poser sa main sur ma joue et je ferme les yeux pour profiter un maximum de cette caresse. Sa peau, je ne l’ai pas sentie depuis si longtemps. «J'espère qu'elle te ressemblera.» Mon sourire s’élargit un peu plus, et puis je pose ma main sur la sienne, comme pour empêcher qu’il ne la retire. J’aimerai rester là pour l’éternité. «Tu veux t'asseoir ?» Je réouvre les yeux pour le regarder. «Non, enfin, ça va...» Il est adorable à s’inquiéter pour moi. Après tout, je ne suis qu’à sept mois, je pense que le pire est à venir. Mais le meilleur surtout. «J'espère que ma grand-mère ne t'as pas trop dérangée.» Je secoue la tête à la négative. «Elle t'aime bien tu sais.» Je souris un peu plus avant de baisser les yeux une seconde, puis les remonter pour plonger mon regard dans le sien. «Ta grand mère est vraiment quelqu’un d’extraordinaire. Et je comprends mieux pourquoi tu es quelqu’un de bien, quand je discute avec elle.» C’est étrange cette sensation. Ce calme, cet apaisement. Se parler sans hurler, sans ressentir la colère dans la gorge, dans le ventre, dans mon corps au complet. Notre fille se manifeste, ce qui me fait directement poser ma main sur mon ventre. «Elle a bougé !» Je ne réfléchis pas plus longtemps et prends rapidement la main de Shane pour la poser à l’endroit où Mila a donné un coup. Elle en donne un nouveau. «Tu as senti ?» J’ai envie de pleurer. Notre fille se manifeste, parce qu’elle sent son père. Je le sens, au plus profond de moi. «Elle sait que c’est toi.» Je relève les yeux et croise son regard. J’ai les larmes au bord des yeux. Je crois que je suis à deux doigts d’être vraiment heureuse. «Moi aussi je sais que c’est toi.» Je sais qu’il ne va pas comprendre vraiment. Il faut que je sois plus claire. «Enfin j’veux dire... je sais que... que elle et moi on est d’accord. C’est toi qu’on veut.» Je laisse échapper un petit rire nerveux. C’est con de parler de moi avec un ‘on’.

Quand elle me regarde comme ça, j'ai l'impression que les choses vont aller pour le mieux, qu'elle va m'annoncer une bonne nouvelle et que je vais enfin vivre quelque chose d'heureux après toute cette merde. J'ai pas envie de m'affoler pour autant, j'ai peur que ce ne soit pas exactement ce que je pense, je suis déjà tombé de haut une fois, j'ai pas envie de retenter, je ne suis pas sûr d'être capable d'y survivre... "Ta grand mère est vraiment quelqu’un d’extraordinaire. Et je comprends mieux pourquoi tu es quelqu’un de bien, quand je discute avec elle." J'aime entendre ce genre de chose. Ma grand-mère est ma seconde mère, j'ai besoin d'elle autant que j'aurais pu avoir besoin de ma mère actuellement, elle la remplace depuis tellement longtemps. Je ne préfère pas penser au moment où je la perdrais, ça me rend fou, triste, inconsolable. Je pense que Maxyn serait la seule capable de combler une telle absence dans ma vie. Je souris, si elle pouvait savoir combien cette femme est importante à mes yeux. "Elle a bougé !" Je sursaute, je ne suis pas sûre de comprendre si c'est une bonne chose ou une mauvaise chose au premier abord. J'ai pas le temps de réfléchir qu'elle attrape ma main, ce contact m'électrise instantanément. Un léger coup, sous ma main, me surprend. Merde. Elle est là. Elle est là putain. "Tu as senti ?" Je suis pétrifié, je fixe nos mains, j'arrive pas à y croire. "Elle sait que c’est toi." Que c'est moi ? Je lève la tête pour la regarder, les yeux ronds. "Moi aussi je sais que c’est toi." Moi quoi ? Je ne comprends rien, je suis trop sonné momentanément. "Enfin j’veux dire... je sais que... que elle et moi on est d’accord. C’est toi qu’on veut." Je suis pas sûr de comprendre d'abord, je ne comprends jamais ce qui est évident... Je la regarde longuement, sans rien dire. Je sais que là maintenant, je devrais sauter de joie mais je suis pétrifié, complètement, une main toujours sur son ventre. Et là. Là, elle bouge, elle me donne un coup, comme pour me rappeler à l'ordre, t'es trop long mec, trop long. Je baisse les yeux à nouveau. "Je sais pas si j'arriverais à me faire à ça." Je ris, de toute façon, elle n'en a visiblement plus pour longtemps. Je n'arrive pas à croire que je vais être père. Elle, ici, c'est une prise de conscience d'autant plus grande que maintenant, elle veut de moi, elle le dit, fièrement, j'ai l'impression de rêver. J'ai envie de vivre ça, tellement. "J'ai cru que t'arriverais jamais." Je dis dans un sourire avant de passe ma main sur sa joue, dans sa nuque, avant de finalement rapprocher mes lèvres des siennes. J'ai besoin de ça depuis qu'elle m'a quitté. J'ai l'impression que je ne l'ai pas embrasser depuis une éternité, beaucoup trop longtemps en somme. Je me détache d'elle, juste de quelques millimètres, assez pour pouvoir lui parler. "Tu m'as tellement manqué Max, j'ai cru que t'allais vraiment rester avec ce con..." Je souffle dans un murmure, non vraiment désireux de reparler de ce crétin finalement. "Mila alors hein ?" Je suis conscient de la chance que j'ai, plus que d'autres, je n'aurais jamais imaginé que mon bonheur résiderait dans ça, l'amour, la paternité... Je n'avais jamais eu que mon travail en tête, je ne souffre même plus d'être sans emploi... Je suis un nouveau moi et je ne suis pas sûr de ne pas apprécier ce que je vis actuellement. 

Shane semble totalement perdu, perdu d’avoir posé sa main sur mon ventre, perdu de sentir sa fille se manifester à son contact, perdu des paroles que je lui offre, de ma capitulation, de mon acceptation quant à notre histoire. Je sais ce que je veux, aujourd’hui et à tout jamais. C’est lui. Lui et personne d’autre. Notre fille se manifeste à nouveau et Shane baisse le regard sur mon ventre. «Je sais pas si j'arriverais à me faire à ça.» Il rit, et un sourire illumine mon visage. «J'ai cru que t'arriverais jamais.» Je plonge mon regard dans le sien, longuement. Je n’ai rien à dire. Je me doute bien qu’il ne s’attendait plus à me voir, j’ai été longue, mais j’avais besoin de me retrouver seule avec moi-même pour prendre cette décision finale. Sa main se pose sur ma joue, doucement, et je ferme les yeux quelques instants, juste pour apprécier ce contact. Enfin, un contact. Depuis qu’il est revenu me voir, à l’hôpital, nous n’avons même pas pu nous toucher, nous n’avons fait que crier, hurler, nous engueuler pour X raisons. Il laisse glisser sa main dans ma nuque et rapproche mon visage du sien, pour finalement poser ses lèvres divines sur les miennes. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Est-ce que ce sera toujours comme ça ? Depuis que je le connais, c’est la même sensation quand il m’embrasse. Je n’ai jamais ressenti ça avant lui. Il met fin à ce court baiser et me regarde. Je ne lâche pas ses yeux. «Tu m'as tellement manqué Max, j'ai cru que t'allais vraiment rester avec ce con...» Je secoue un peu la tête. Jamais de la vie. Ça aurait été un vrai massacre. Et de toute manière, mon coeur me hurlait que c’était Shane, l’homme de ma vie. «Mila alors hein ?» Mes lèvres s’étirent dans un nouveau sourire. Plus radieux que jamais. «Oui. Mila.» Je pose ma main sur sa joue pour l’embrasser à nouveau, parce que j’en ai envie, parce que j’en ai besoin aussi. Ce contact qui m’a tellement manqué ces derniers mois. C’était un enfer, et j’ai l’impression de revivre aujourd’hui. A mon tour, je mets fin à notre baiser, juste pour pouvoir le prendre dans mes bras, ou me lover dans les siens. Quelques secondes, quelques minutes, le temps qu’il me faudra pour me rendre compte que ça y est, je l’ai enfin retrouvé. Mon coeur bat à tout rompre, et mes hormones de femme enceinte commencent déjà à faire des siennes. Je ne compte plus les mois qui m’ont séparée de son corps, son corps, nu contre le mien. J’ai un coup de chaud d’un seul coup, mais je me reprends rapidement. «Il y a quelque chose qu’il faut que je te demande.» Je m’éloigne un peu de lui, puis fais glisser mes mains le long de ses bras pour attraper mes mains. «Avec ce gros machin» je baisse les yeux sur mon ventre avant de redresser mon regard dans le sien. «Je peux pas aller bosser. Hannah est en train de péter un câble et on a même pas pu lancer le numéro de la semaine dernière. Je croule sous le boulot. J’ai besoin de quelqu’un de compétent en qui j’ai confiance, pour prendre le relais, le temps que je mette notre fille au monde. Histoire de quelques mois...» Il me regarde avec ses yeux ronds, comme il a l’habitude de faire quand il est un peu largué. Alors je souris. «J’aimerai que ce soit toi. J’aimerai que tu t’installes à mon bureau, et que tu prennes ma place, au moins le temps que je retrouve, la ligne, la forme, et tout ce qui va avec. T’en penses quoi ?»

Je pense que si elle avait décidé de me priver pour toujours de son sourire, je n'aurais pas survécu. Je l'admire simplement alors qu'elle semble rayonner. Je ne me souviens plus de la dernière fois où nous avons pu avoir une conversation posée elle et moi... "Oui. Mila." Mila, ce prénom sonne à merveille à mon oreille, j'ai l'impression de déjà l'entendre m'appeler papa. Papa. J'en reviens pas. Elle m'embrasse, j'en frisonne, ça m'a manqué, trop. Je la laisse prendre possession de mon corps de ses bras, parce que j'en ai autant besoin qu'elle. Je passe mes mains dans son dos, renifle l'odeur de ses cheveux, tout ça m'a terriblement manqué. Tout. J'ai comme l'impression de revivre tout à coup. "Il y a quelque chose qu’il faut que je te demande." Je grimace, je n'aime pas tellement ça mais serre ses mains. Parle Max, demande moi ce que tu veux me demander, même si je le redoute. "Avec ce gros machin." Je souris, je l'aime ce gros machin, j'aime d'autant plus ce qu'il protège. "Je peux pas aller bosser. Hannah est en train de péter un câble et on a même pas pu lancer le numéro de la semaine dernière. Je croule sous le boulot. J’ai besoin de quelqu’un de compétent en qui j’ai confiance, pour prendre le relais, le temps que je mette notre fille au monde. Histoire de quelques mois..." Je n'arrive pas à comprendre sur le coup, elle m'a virer, ce qui se passe chez elle ne me concerne plus. Je n'ai même pas envie d'y penser d'ailleurs, ça fait trop mal, le souvenir de ce jour est omniprésent dans mon esprit, il me donne envie de tout casser autour de moi, comme un fou... "J’aimerai que ce soit toi." Oh. Je ne m'attendais pas à ça. "J’aimerai que tu t’installes à mon bureau, et que tu prennes ma place, au moins le temps que je retrouve, la ligne, la forme, et tout ce qui va avec. T’en penses quoi ?" Je suis encore sous le choc. Prendre sa place... Le poste qu'elle occupe représentait à peu près tout mes objectifs dans la vie il y a encore quelques mois. Elle me l'offre sur un plateau d'argent, le temps de la grossesse. Mais je soupire. "Je sais pas Max..." J'avoue en baissant les yeux sur le dos de sa main que je caresse du pouce. "Je sais pas si c'est une bonne idée... Que je retourne là-bas après..." Après tout ça, après le scandale que j'y avais fait, après tout ce que nous y avions vécu. "Ils sauront tous très bien comment j'ai atterris à ta place." Je ne suis pas sûr d'être capable de supporter tout ces regards sur moi. Ces regards plein de sous-entendus, plein de haine. Je serais le pistonné, celui qui s'est entiché de la bonne, qui a séduit la patronne pour prendre la place quand il le faut. Je n'ai jamais eu envie d'être ce gars, je n'ai jamais eu envie d'endosser cet immonde personnage. "J'aime pas trop Hannah aussi... Et je suis pas sûr qu'elle m'apprécie tellement non plus." J'avoue, je n'ai jamais vraiment apprécié cette fille, elle représentait la seule chose que je ne regrettais pas de quitter en me faisant virer. "Je suis pas assez qualifié pour ça... Tu le sais aussi bien que moi... Même si je regrette amèrement de l'avouer, c'est la pure vérité, je ne suis qu'un pauvre journaliste débutant sans grande expérience dans le domaine.