Je courrais. Souffle court. Palpitant prêt à exploser. Aujourd'hui, je débutais une carrière dans une nouvelle entreprise. Une grande entreprise. Embauchée en tant que responsable de la communication. J'étais heureuse d'avoir atteint mon objectif. Mais effrayée. Puis c'était l'anniversaire de Will, mon petit frère. Alors je courrais. Parce que je tenais à le voir avant de m’engouffrer dans le monde de sauvage qu'était celui de l'immobilier. Sans frapper, je pénétrais au sein de la demeure Matthews. Je déposais mon sac sur le sol, ma main contre ma poitrine. "Will !" hurlais-je. Ce dernier arriva en courant et se jeta dans mes bras. Je le serrais. Je le serrais jusqu'à le faire étouffer dans mes bras. Un instant de tendresse. Doux. Sincère. Intense. Mes lèvres attrapèrent son front. "Joyeux anniversaire champion !" soufflais-je dans un murmure, éblouie par le sourire qu'il m'adressa. "Je reviendrais ce soir, promis ! Maintenant je dois y aller, je vais être en retard." J'étais ferme. Droite. Et très professionnelle, malgré l'amour que je portais à ce petit homme. Jaxon fit son apparition, j'en arquais un sourcil. Rentrait-il de soirée, venait-il de se réveiller ? Non, il était trop tôt. Beaucoup trop tôt. Je me contentais de frapper d'un geste vif sa main et m'échappait. Mes frères, mon tout. Nous étions tous les trois très différents. Trop différents. Mais il était bien mon unique famille. J'étais peu proche de mon père, encore moins de ma belle-mère. Ils étaient importants pour moi. Mais je pouvais facilement me passer de leur présence à mes côtés. Je recommençais ma course, excitée comme effrayée. Puis. Quelques minutes plus tard. Je pénétrais. Mes joues étaient rougies. Mon souffle emballé. Mes lèvres entrouvertes. Je m'engouffrais dans l'ascenseur. Je connaissais le chemin, je l'avais déjà emprunté plus d'une fois afin de m'assurer que je ne pourrais pas me perdre. J'appuyais sur le bouton du dernier étage. Je grimpais. Glissant correctement ma chemise dans ma jupe. Les secondes étaient éternelles. Sans fin. Je sentais mon sang battre contre ma peau. Putain. Je n'en pouvais plus. Et lorsque l'ascenseur s'ouvrit. Cette sensation ne fit que s'accentuer. Mes jambes tremblèrent. Mon ventre se noua. Mon souffle se déroba, se coupa. Je me crispais. Une vague de désir, monstrueuse, me capturait. Trébuchante, je sortais. Mes doigts frôlèrent ceux de la cause de ma folie. Je secouais mon visage, enfonçais mes doigts dans mes cheveux. J'étais incapable de me défaire de son regard. Incapable de m'écarter de son corps. J'étais attirée. Aimantée. Sienne. Je ne le connaissais pas mais j'étais sienne. Dès à présent. Pour toujours. Je le voulais. Maintenant. Intensément. Tellement. "Cali Matthews, nous vous attendions" murmura-t-il tout en me tendant sa main. D'une voix que je ne pourrais pas oublier, jamais. C'était fort. Fou."Raphaël Wickham."

Abattue, détruite, souillée, cassée, brisée. Violée. Je hurlais, mais rien ne sortait de mon corps. Tétanisée, choquée, enfermée dans ce cauchemar. Mon corps crispé essayait de fuir. Mais je ne pouvais pas. J'étais bloquée. A jamais. Et cette voix. Cette voix qui résonnait dans mon esprit. Qui faisait exploser mes pensées, mon crâne. Cette voix qui me torturait de l'intérieur. Qui me tordait le ventre, me donnait la nausée. Ne dis rien, ne dis rien à personne. Je pleurais, tombais, chutais. Sauf que je n'atteignais pas le fond. J'étais constamment dans cette chute. Je m'enfonçais un peu plus à chaque fois que ma cage thoracique s'élevait. Je n'étais plus qu'un corps démoli. Je n'étais plus qu'un corps détruit. Si tu parles, je m'en prendrais à eux. Je pleurais, hurlais, me débattait. Mais rien, rien. J'étais incapable d'agir. De parler. De crier. J'étais prisonnière d'un cauchemar étouffant et tétanisant. Je m'étais fais violée. Putain. Je m'étais fais violée. Violée. Violée. Jaxon, Will, Raphaël. C'était encore plus douloureux que l'acte. Ses prénoms. Il voulait s'en prendre à ses prénoms. Si je parle. Je n'en pouvais plus. Je souhaitais ne plus être. Disparaître. M'évaporer. Me détruire. Je souffrais. Avec le sentiment d'être écartelée. Brûlée. Frappée. Mais rien. Rien ne bougeait. Jaxon, Will, Raphaël. Arrêtes. Tais-toi. Laisses-les. Ne touches pas à ma vie, à l'unique chose qu'il me reste. Jaxon, Will, Raphaël. Souffrance. Blessures. Coups. Jaxon, Will, Raphaël. "Arrêtes !" hurlais-je, essoufflée. "Je ne dirais rien ... je ne dirais rien" soufflais-je dans un murmure qui me transperça la gorge. Ce n'était pas une abdication. Ce n'était pas une torture. C'était un murmure destiné à protéger mon coeur. La seule chose qui me restait. La seule chose qui battait sans me faire souffrir. Sans me briser. Sans me tuer de l'intérieur.

La porte claqua après que mon corps ai pénétrer au sein de notre appartement. Mon sac tomba sur le sol. J'étais vide d'expressions, vide de désirs, d'envies. Exceptée celle de m'enfuir pour ne pas avoir à croiser son regard emplis de déception. Je ravalais doucement ma salive. Raphaël était là. Je ne le voyais pas mais je le sentais. Je m'approchais, doucement, silencieusement. Une explosion silence s'abattait sur nous. Je le ressentais. Vivais. J'allais nous tuer. Nous briser. Il était là. Assis. Jambes croisées sur le canapé. Un verre à la main. Trait sombres. Putain. Je chavirais, tremblais. Il était au courant. Il était évidemment au courant. Comment me justifier, comment lui expliquer ? Son regard me questionnait. Nous n'avions pas besoin de nous exprimer oralement. Nous nous connaissions. J'aurais préféré que ça ne soit pas le cas. J'aurais préféré lui éviter de sombre à mes côtés, de chuter avec moi. J'aurais préféré le protéger de mon malheur. De mon cauchemar. "Je suis désolée" murmurais-je afin de briser ce silence pesant et destructeur. Il se racla la gorge, se redressa et continua de me regarder intensément. Il savait. Il désirait en entendre davantage. Obtenir la vérité. Mais je ne pouvais pas. Alors je m'écroulais, tombais sur le siège étant à mes côtés. Mes épaules se voûtèrent. Mon corps s'écroulait tout en restant immobile. Tout se passait à l'intérieur. Je n'étais qu'un chantier. Un bordel. "Dis-le." Sa voix cassante, autoritaire. Celle de l'homme qui surpassait le monde. Celle de l'homme qui se protégeait des obstacles qu'il réceptionnait en pleine gueule. "Cali, dis-le." Putain, non. Je secouais mon visage. Mes joues s’empourprèrent. Mes larmes montèrent. J'allais m'effondrer. Je n'étais pas capable de briser ce que nous représentions. Mais je n'avais pas le choix. Je voulais le protéger. Le protéger de la bombe qui me possédait. Du danger que j'étais. "Putain Cali dis-le moi !" hurla-t-il. Mon souffla se coupa. "Je t'ai trompé, je suis désolée ... Je suis désolée" murmurais-je. Je sentais le monde autour de moi s'écrouler. J'entendais la folie animer son corps. Je sentais sa rage se déployer. Tout s'écroulait. Tout. La pièce était retournée, saccagée. Et moi. Et moi je venais de lui livrer le plus grand des mensonges. Pour le protéger. Pour nous protéger. Et je pleurais. A jamais. Je n'étais plus que destruction et chagrin. Je n'étais plus que l'ombre de ce cauchemar. Je n'étais plus.